Les animatueurs

Arrivé à la télé au début des années 80, Michel Malaussena fait un parcours impressionnant auprès des vedettes du grand écran : Collaro, Dechavanne, Ardisson, Mireille Dumas, Nagui, Karl Zero. Dans ce livre, l'ex producteur raconte l'envers du décor, décrivant sa démarche d'écrire comme un "suicide professionnel". Et effectivement, il n'y va pas avec le dos de la cuiller !
Collaro ? Un fainéant, jouisseur, ne supportant pas le moindre passage d'une personne entre lui et la caméra, exploitant les figurants et les techniciens (le célèbre figurant du "Gag", diffusé à chaque émission, n'aurait été payé qu'une seule fois), rackettant les auteurs de 50% de leurs droits pour des "corrections" minimes apportées à leurs textes.
Ardisson ? Un patron tyrannique, dont la principale obsession est de faire "le sac de la vieille". Un homme venant de la pub qui réduit bien souvent la réflexion à un slogan.
Mireille Dumas ? Une femme sans aucune considération pour son entourage, faisant travailler ses équipes le dimanche, arrivant systématiquement en retard de plusieurs heures ce qui prolonge les journées de travail de tous, radine avec le personnel, sans cesse en guerre avec son mari, exploitant les misères du petit peuple à l'écran, vendant à prix d'or une émission ne coutant presque rien et pour laquelle la chaine lui prête studio et techniciens gratuitement.
Nagui ? Un chef charismatique ne supportant pas qu'une décision soit prise sans lui, ce qui, pour un homme qui mène plusieurs émissions de front, rend impossible la vie à ses équipes attendant le retour du messie le soir en fin de journée pour enfin recueillir son avis sur des projets toujours en retard.
Concernant Dechavanne, Malaussena a peu de souvenirs, mais il en brosse un portrait plutôt sympathique... L'auteur s'interroge, est-ce parce que l'animateur est jeune qu'il est si sympathique, aimé de son équipe ? Les animateurs sont-ils tous ces personnes intéressantes, innovantes, pleines d'esprit, qui tournent vieux patrons acariâtres, impitoyables et vénaux à force de marcher dans un système de fric et d'égo dans des contraintes d'audimat ?
Quant à Karl Zero, l'auteur dit ne rien pouvoir livrer, tenu au silence pour quelques années par contrat. Dommage, on sent qu'il aurait mérité un livre à lui tout seul !
Alors Malaussena crache-t-il dans la soupe ? Ce livre n'est-il qu'un brûlot lancé par un aigri de la télé ? Pas seulement, même si les critiques sont virulentes, les personnages sont humains et leur côté attachant est toujours montré. Et il y a le récit d'une aventure humaine : celle d'un jeune assistant rêvant de cinéma, tentant d'accomplir son rêve et balloté par une réalité impitoyable dans un milieu de strass, de coups de pokers, d'échecs cuisants et de victoires grisantes. Un livre à conseiller pour tous ceux qui s'intéressent au petit univers de la télé.